L’année liturgique est rythmée par des temps de célébration qui se caractérisent par des périodes de préparation, de fête et des temps ordinaire. Le temps de carême est une période qui précède Pâques et qui, selon le Pape François, est un temps de grâce « si réel, si vrai, si concret qu’il nous offre une relation faite de dialogue sincère et fécond » (Exhort. Apost. Christus vivit, n° 117). Elle est une opportunité devrait éveiller en nous un sentiment de gratitude et nous secouer de notre torpeur parce que Dieu nous a offert cet espace pour un changement de cap qui exprime sa volonté de ne pas interrompre le dialogue du salut avec nous.
Dérivant du mot latin quadragesima qui signifie « quarantième » et institué au IVe siècle, il couvre en fait une période de quarante-six jours puisque les dimanches ne sont pas comptés. Les quarante jours du carême renvoient non seulement aux quarante années passées par les Hébreux entre leur sortie d’Égypte et leur entrée en Terre promise mais aussi aux quarante jours passés par Jésus-Christ au désert après son baptême . Le temps de Carême est une période de l’année où comme chrétiens, nous faisons des efforts particuliers. C’est la période de quarante jours qui s’étend du mercredi des Cendres au dimanche de Pâques (quarante six jours exactement). En effet, les quarante jours étaient comptés d’abord du premier dimanche de Carême au soir du Jeudi saint, après quoi on entrait dans le triduum des célébrations pascales ; puis, pour se conformer au jeûne de quarante jours du Christ, après son baptême, on ajouta quatre jours avant le premier dimanche afin d’avoir le nombre complet de jours de jeûne avant Pâques (les dimanches en effet ne sont jamais jours de jeûne) (Cf. Cf. Introduction sur le temps de Carême, Missel dominical des fidèles, Khefas N°2).
Le modèle du Carême est donc la retraite de Jésus au désert, qui a eu pour préfiguration, le jeûne de Moïse sur le mont Sinaï avant la conclusion de la première Alliance d’une part, et la marche d’Élie dans le désert vers l’Horeb, où Yahvé se manifesta à lui, d’autre part. C’est donc un temps de préparation dans la prière et la pénitence pour mieux célébrer la Résurrection du Christ (Cf. Cf. Introduction sur le temps de Carême, Missel dominical des fidèles, Khefas N°2).
En célébrant le ressuscité, les baptisés célèbrent en quelque sorte leur anniversaire de baptême. Mais il est important de souligner que plus qu’un simple anniversaire, la Pâques est le moment pour tous les baptisés de renouveler et de rendre actuelles les grâces reçues au baptême. Quelles sont ces grâces ? L’appartenance à la grande famille de Dieu qu’est l’Église et le pardon des péchés. Le temps de Carême est l’occasion que Dieu nous offre pour faire le point de notre marche à sa suite. C’est le moment favorable qui nous plonge dans le silence habité de notre cœur, silence qui nous ramène, sans cesse, à notre appartenance à Dieu qui se traduit par notre incorporation au Christ. Car, le sens du carême, c’est véritablement se rendre compte que nous avons besoin de notre prochain avec qui nous ferons la marche vers le Seigneur. C’est aussi se rendre compte que nous sommes précieux aux yeux de notre Dieu et de nous pardonner nous-mêmes, si éventuellement on s’était offensé pour mieux vivre la relation de père à fils et fille avec notre Dieu.
Le temps de Carême est aussi un temps de préparation au baptême pour les catéchumènes comme pour ceux qui les accompagnent dans leur cheminement (c’est-à-dire toute l’Église qui forme un seul corps) et un temps de méditation sur le grand don qu’il constitue. Durant la Veillée pascale, tous seront invités à renouveler leurs promesses baptismales. A mesure qu’approche le temps des solennités pascales, la pensée des chrétiens s’oriente davantage vers la Passion du Christ qu’ils doivent non seulement commémorer, mais surtout vivre.
Comment bien vivre le temps de Carême ? Il nous est demandé pendant ce temps d’être pieux et pénitent. (C’est le temps des 3 P : Prière, Pénitence et Partage).
La prière (4ème partie du Catéchisme de l’Église Catholique).
Qu'est-ce que la prière ? Avec Thérèse de l’enfant Jésus, la prière est « un élan du cœur, c’est un simple regard jeté vers le ciel, c’est un cri de reconnaissance et d’amour au sein de l’épreuve comme au sein de la joie. » Bref, « la prière est l’élévation de l’âme vers Dieu ou la demande à Dieu des biens convenables » (Saint Jean Damascène cité par CEC 2590). Voilà qui est bien dit et vite dit. Mais qu’est-ce que cela signifie réellement (élever son âme vers Dieu) ? D’une part, élever notre âme, c’est avant tout reconnaître la grandeur de la majesté divine, reconnaitre que Dieu est le Père Tout-Puissant, Il est le créateur de tout l’univers. Il est le Créateur de tout ce que nous pouvons saisir avec nos sens et de tout ce qui nous échappe. Il est le Créateur de tout ce que la science nous révèle et de tout ce qui reste encore flous pour les scientifiques les savants qu’ils soient. D’autre part, élever notre âme, c’est se mettre face à Dieu tels que nous sommes, c’est-à-dire avec nos joies et nos tristesses. C’est présenter à Dieu tout ce que nous sommes avec ou sans paroles. (Exemples de prières : la prière de Anne, la mère de Samuel, faite de murmures…1S1,12-13). Ainsi, celui qui prie réalise la divine présence : Dieu est en moi ! je suis en Lui ! J’ai parlé à Dieu ! j’ai passé du temps avec Lui ! Alors chers amis, se mettre à genoux pour prier, ce n’est pas réaliser une punition, mais c’est plutôt s’élever jusqu’à Dieu.
Que nous apprend la Bible sur la prière ? En réalité, c’est Dieu Lui-même qui appelle chacun de nous de façon personnelle pour faire une rencontre mystique avec Lui. Rencontre mystique parce qu’elle ne dépend pas directement de nos sens ; elle se passe au fond de nos cœurs. La vie du Christ qui est notre modèle « a été une vie de prière, de recueillement, d’oraison, d’esprit intérieur. » ( CEC 2620) Cela est écrit dans l’Évangile (Cf. Mc 1, 35 / Lc 6, 12 / Mt 26, 37 etc.). On peut remarquer dans le Nouveau Testament que « le modèle parfait de la prière réside dans la prière filiale de Jésus. Faite souvent dans la solitude, dans le secret, la prière de Jésus comporte une adhésion aimante à la volonté du Père jusqu’à la Croix et une absolue confiance d’être exaucée » (CEC 2620). Lorsque Jésus prie, c’est pour que la volonté de Dieu qui est toujours bonne se fasse en Lui. Dans son enseignement, Jésus apprend à ses disciples à prier. Il les invite à présenter à Dieu leurs demandes en son Nom car Il exauce Lui-même les prières qui Lui sont adressées. L’Esprit Saint également nous éduque à la vie de prière. D’ailleurs, c’est Lui qui nous inspire les différentes formes de prière que sont : la bénédiction (réponse à Dieu qui bénit), la demande (Pardon et Royaume), l’intercession (demander pour autrui), l’action de grâce (joies et peine 1Th 5,18 : En toute condition, soyez dans l’action de grâce) et la louange (Chanté, sans intérêt, la gloire de celui qui Est). Bref, dans l’Église, l’Esprit Saint apprend à prier aux enfants de Dieu, mais la Parole de Dieu, la liturgie de l’Église, les vertus de foi, d’espérance et de charité sont aussi des sources de la prière. Maintenant que nous savons clairement ce que c’est que prier, quelle forme donner à notre prière pendant ce temps de Carême ?
Comment prier pendant le temps de Carême ? Dans son ensemble, le temps de Carême est un temps de préparation au mystère pascal. Le Carême se passe donc dans la prière et le recueillement accompagnés d’une ascèse qui est proposée à tout chrétien. Comprenez par ascèse une certaine discipline de vie (pour ce qui concerne cette étape de notre enseignement, comprenez l’ascèse comme une organisation dans nos habitudes de prières. Toute prière est belle et agréable à Dieu ; car c’est toujours une grande joie pour l’homme d’élever son âme vers Dieu et pour Dieu d’accueillir l’homme qui se met en sa présence. Pendant le temps de Carême où nous faisons la traversée du désert avec Jésus, l’Église nous appelle essentiellement à la conversion. Dans l’Évangile du mercredi des cendres, (Mt 6, 1-6. 16-18) Jésus enseigne à ses disciples comment prier : « Et quand vous priez, ne soyez pas comme les hypocrites : comme les hypocrites : ils aiment à se tenir debout dans les synagogues et aux carrefours pour bien se montrer aux hommes quand ils prient. » Que faire alors ? « Toi, quand tu pries, retire-toi dans ta pièce la plus retirée, ferme la porte, et prie ton Père qui est présent dans le secret ; ton Père qui voit dans le secret te le rendra. » Ainsi, la prière nécessite le silence ; pour prier nous avons besoin d’un minimum de recueillement. Le silence qu’il nous faut peut être extérieur, mais il doit surtout être intérieur. La pièce la plus retirée dont parle Jésus, c’est l’intimité de nos cœurs. En réalité, la prière à laquelle nous invite le temps de Carême est d’abord personnelle avant d’être communautaire. Il revient à chacun d’organiser son temps et de se construire une habitude de prière. À ceux qui rencontrent beaucoup de difficultés dans cet exercice personnel, les Pères de l’Église enseignent la prière de Jésus qui consiste à répéter lentement, dans le silence du cœur « Jésus, Christ, fils de Dieu, aie pitié de nous, pécheurs ! »
De plus, l’Église nous propose la médiation du chemin de croix. Cette tradition de retracer le chemin parcouru par Jésus le jour du Vendredi Saint, de la ville sainte au calvaire, est d’origine byzantine. Ce sont les franciscains de Jérusalem qui ont les premiers développé cette démarche de procession, de station en station, tout en méditant sur la passion et la mort du Christ. C’est précisément le frère Leonard de Port-Maurice qui en 1750 « a érigé les 14 stations du chemin de croix du Colisée, lieu des martyrs chrétiens et a placé une grande croix au centre de l’amphithéâtre »( Canon 1249). La pratique s’est rependue et, dans toutes nos églises, nous avons des représentations en 14 stations du chemin parcouru par Jésus de sa condamnation à sa mort et son ensevelissement.
La pénitence
Tous les chrétiens sont tenus de faire pénitence et de faire bénéficier les plus pauvres de ce dont ils se privent volontairement (l’aumône est un complément du jeûne).
La pénitence dans la Bible.Pénitence peut renvoyer à ce que le prêtre demande de faire lorsqu’on lui confesse nos péchés. Cela pouvait renvoyer aussi au châtiment corporel que certaines personnes s’infligeaient volontairement pour l’expiation de leurs péchés (il s’agit d’une pratique ancienne qui en réalité n’a pas lieu d’être car ce qui fait le repentir véritable, c’est un cœur brisé et broyé, un cœur qui reconnait sa faute et souhaite ne plus retomber dans le péché). Nous ne parlerons pas de pénitence dans un sens punition, mais dans le sens d’un repentir suivi d’expiation, dans le sens du regret d’avoir offensé Dieu qui s’accompagne du pardon offert par Dieu. Dans ce sens, la pénitence est synonyme de repentir, de conversion, voire même de confession.
La pénitence est « un don de Dieu, si précieux que Jésus est mort puis ressuscité afin de nous l’acquérir. » Par son nom « Yeshouah », c’est-à-dire Jésus, Il se révèle à nous comme Celui qui « sauve son peuple du péché ». Par l’Esprit Saint, le précurseur Jean Baptiste l’a reconnu comme tel et l’a salué en proclamant : « Voici l’Agneau de Dieu, qui enlève le péché du monde » (Jn 1,19) Lorsque le prêtre prononce cette phrase pendant la messe, nous répondons : « Seigneur, je ne suis pas digne de te recevoir, mais dis seulement une parole et je serai guéri ». Nous reconnaissons que le repentir est un don de Dieu. C’est cela le message principal que le Christ communique à travers les Évangiles : « Il proclamait en ces termes la Bonne Nouvelle venue de Dieu : ‘’Les temps sont accomplis et le Royaume de Dieu est tout proche : repentez-vous et croyez à la Bonne Nouvelle’’(Mc 1,15) » Les Apôtres ont reçu cette même mission : « il leur ouvrit l’Esprit à l’intelligence des Écritures et il leur dit : ainsi était-il écrit que le Christ souffrirait et ressusciterait d’entre les morts le troisième jour, et qu’en son nom le repentir serait proclamé à toutes les nations » (Lc 24,45-47). C’est donc investir de cette mission que les disciples « s’en allèrent prêcher qu’on se repentît » (Mc 6,12). Saint Paul aussi dit avoir reçu la même mission : « J’ai prêché, dit-il, qu’il fallait se repentir et revenir à Dieu en faisant des œuvres de véritable repentir. » (Ac 26,19) Le temps de l’Église où nous sommes encore, apparaît ainsi comme un temps laissé par le Seigneur « pour que nul ne périsse, mais que tous arrivent au repentir ».
La pratique de la pénitence.L’Église demande que tous les fidèles fassent pénitence chacun à sa façon. Mais comme notre Église est Une, elle prévoit certaine forme de pénitence que l’on peut observer ensemble (des jours de pénitence, le jeûne et l'abstinence) ( Canon 1249). « Les jours et temps de pénitence pour l'Église tout entière sont chaque vendredi de toute l'année et le temps du Carême »( Canon 1250). Autrement dit, tout le temps de Carême est un temps de pénitence et en dehors du temps de Carême, nous sommes appelés chaque vendredi à faire pénitence : c’est-à-dire s'adonner d'une manière spéciale à la prière et pratiquer des œuvres de piété et de charité ; renoncer à soi-même en remplissant plus fidèlement ses obligations propres et s’abstenir de certaines choses. L'abstinence peut porter sur diverses choses ; notamment sur ce qui nous éloigne de Dieu et du prochain. L’abstinence et le jeûne sont observés chaque vendredi de l'année, à moins qu'il ne tombe sur une solennité ; mais l'abstinence et le jeûne seront observés obligatoirement le Mercredi des Cendres et le Vendredi de la Passion et de la Mort de Notre Seigneur Jésus Christ.
Mais ce n’est pas tout le monde qui peut observer l’abstinence et le jeûne. Sont tenus par la loi de l'abstinence, les fidèles qui ont quatorze ans révolus et sont liés par la loi du jeûne tous les fidèles majeurs jusqu'à la soixantième année commencée. Alors nous qui n’avons pas encore dépassé l’âge de 14ans, ce qui nous est demandé c’est de comprendre le véritable sens de la pénitence. En lieu et place de la pénitence, nous pourrons faire autre chose comme apprendre à saluer, à ne plus insulter, à être sage, à travailler à l’école, à respecter le camarade, à ne plus se bagarrer à la Caté ou à l’école, etc. Mais ayons à cœur de ne plus reprendre à la fin du carême nos chaines abandonnées et nos habitudes délaissées. Ne jamais y revenir, ni y retourner comme si le carême était juste une traversée de la nuit !
Il y a aussi des œuvres de charité et les exercices de piété qui peuvent tenir lieu en tout ou en partie de l'abstinence et du jeûne. C’est pourquoi la pénitence est étroitement liée au partage, à la charité.
Le partage. Les textes du mercredi des Cendres nous introduirons parfaitement dans le temps de Carême par une invitation à l’humilité. Mt 6, 1… : « Jésus disait à ses disciples : Ce que vous faites pour devenir des justes, évitez de l’accomplir devant les hommes pour vous faire remarquer. » Certes, il est temps d’agir, mais durant le Carême, agir c’est aussi s’arrêter. S’arrêter en prière, pour accueillir la Parole de Dieu, et s’arrêter comme le Samaritain, en présence du frère blessé. En réalité, l’amour de Dieu et du prochain est un unique amour (Cf. Message du pape François pour le temps de Carême 2024). Le sens de notre charité pendant le Carême va être une imitation de la Charité du Christ qui a donné sa vie pour le salut du monde. S’il est mort, ce n’est pas uniquement pour les justes, ou pour les chrétiens. Il est mort et ressuscité pour le salut de toute l’humanité. Partager c’est vouloir et agir pour : le bien à tout le monde et le mal à personne !